« J’en ai plein le dos
J’ai le poids du monde sur les épaules
C’est un véritable fardeau
J’ai mes enfants/ parents sur le dos
Avoir bon dos
Avoir le dos large
Casser du sucre sur le dos »
Autant d’expressions qui associent directement le dos et les émotions négatives.
Cela fait des siècles que nous suspectons le lien entre les douleurs du dos et notre état psychologique et émotionnel.
Il ne fallait que quelques années pour que nos chercheurs puissent justifier ces dogmes qui nous semblent évidents et pourtant peu d’action ou de prise de décisions en découlent.
Pourquoi?
De mon angle de vue, nous avons tellement peur de nous avouer que nous sommes stressés (croyance de la faiblesse) que nous préférons prendre un cachet et « mettre un mouchoir dessus »… comme tout le monde …
Ce qui en général n’est ni d’une grande aide ni d’une grande efficacité si ce n’est ponctuellement.
Ce déni aboutit systématiquement au point de rupture représenté parfois par le fameux lumbago, la sciatique ou encore un autre syndrome médical nécessitant un arrêt instantané de toute activité.
Le corps ayant le dernier mot… Alors soyons cartésien !
L’étude du Lancet parue en octobre 2021montre que les cas de dépression et d’anxiété auraient augmenté de plus d’un quart en 2020. De la même manière, les maux de dos pourraient bien avoir augmenté depuis le début de la pandémie (comme l’avait montré l’enquête de Santé Publique France lors du premier confinement)
Le lien entre les troubles musculo-squelettique (TMS) et les troubles anxiodépressifs (TAD) est probablement trop dérangeant pour que l’on en prenne conscience naturellement dans une société où « l’esprit domine le corps ».
Une société dans laquelle le « dur » labeur est nécessaire pour gonfler l’estime de soi, dans laquelle plus vous travaillez, plus vous avez mal, plus vous méritez votre salaire, plus vous avez de reconnaissance …Du moins selon certaines croyances…
Tournons-nous vers une étude japonaise lancée en janvier 2011 et publiée dans Spine en 2017.
Le stress psychosocial, le sentiment d’insécurité et de menace accroitraient la douleur.
Tous les participants ont soudainement été affectés par le désastre intervenu en mars 2011.
La catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, comme la pandémie de Covid-19 ou comme la crise entre la Russie et l’Ukraine que nous connaissons actuellement nous éclairent sur la situation de stress que nous vivons actuellement et son possible impact sur les douleurs lombaires.
Résultat : « le stress ressenti après un désastre pourrait être corrélé à l’intensification des douleurs lombaires ».
Bilan certes au conditionnel mais nous pouvons commencer à entrapercevoir ce lien unissant stress et douleurs lombaires.
Ce n’est qu’une interprétation pseudo-psychologique me direz-vous, avec un moral de « winner » on y échappe !
Et si nous étudions le coté encore plus scientifique… ?
La Haute Autorité de santé a épluché la littérature scientifique pour établir ses recommandations en 2019. Pour elle, « le stress, la dépression, l’anxiété, une tendance à une humeur dépressive et le retrait des activités sociales« sont clairement en cause.
Et qui dit dépression dit généralement moins de contacts sociaux. Or les relations sociales sont essentielles à notre épanouissement et à notre qualité de vie. Malheureusement, lorsque nous ressentons des troubles psychiques, nos relations sociales en pâtissent.
Nous fréquentons moins les personnes et les endroits que nous apprécions. Cela participe à dégrader davantage notre santé mentale et cela accentue nos douleurs corporelles.
De plus, les études nous montrent que nous sommes intrinsèquement des individus sociaux. Notre survie en dépend depuis 300 000 ans et il parait évident que parmi nos besoins fondamentaux, l’activité sociale dans un milieu bienveillant est nécessaire. Notre bien-être psychologique ne peut y échapper sous peine d’une transformation physique de notre système limbique, qui n’est autre que le carrefour de nos émotions mais également de notre mémoire, de notre attention…
Conséquence : l’inflammation.
Le stress physiologique entraîne la libération dans l’organisme de substances pro-inflammatoires (interleukines, adipokines…)qui, en cas de chronicité, favorisent les douleurs lombaires lombalgies.
Ce syndrome inflammatoire conduit à détériorer plus rapidement le cartilage et donc les structures discales. Une destruction qui s’effectue très lentement par l’intermédiaire de nombreux types de cellules, notamment les macrophages et les lymphocytes T. Ces dernières infiltrent le tissu graisseux constitué d’adipocytes, les poussant à produire des molécules pro-inflammatoires, sources de complications métaboliques potentiellement graves (diabète, troubles cardiovasculaires…).
D’autre part, face à une situation de stress, l’organisme libère des catécholamines (hormones, dont l’adrénaline fait partie, qui augmentent la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la température corporelle…) ainsi que des glucocorticoïdes (hormones qui augmentent la quantité de sucre dans le sang). Ces hormones se libèrent pour préparer l’organisme à agir face au stress. Mais elles favorisent aussi les tensions musculaires et les états inflammatoires. Or, lorsque la situation stressante se maintient, l’organisme se retrouve saturé de ces hormones et ne parvient plus à s’autoréguler.
Du point de vue du stress biomécanique, celui-ci altère la proprioception, cette perception souvent inconsciente de la position dans l’espace des différentes parties du corps et peut déclencher des tensions ou des contractures musculaires dans le dos et donc des douleurs lombaires. Autant d’affections « susceptibles d’augmenter la tension musculaire ou d’intervenir sur la chaîne causale entre les contraintes mécaniques du travail et les douleurs rachidiennes », écrivent les chercheurs d’une expertise Inserm consacrée à la question.
Et si on parlait du lien entre le mal de dos et troubles anxiodépressifs : le stress psychologique ?
Eclairons-nous encore un peu plus sur quelques mécanismes qui pourraient expliquer ces liens étroits entre mal de dos et troubles anxiodépressifs : le stress psychologique.
Une étude met en évidence qu' »une dépression prédit mieux la survenue d’un épisode de douleurs lombaires qu’une dégénérescence discale (ou que la plupart des résultats jugés anormaux à l’IRM). En effet, souffrir de dépression semble multiplier le risque de survenue de douleurs lombaires par 2 à 3 (Currie & al 2005, Jarvik& al 2005, Carroll & al 2004) ».
Un autre élément important est la confiance en soi que vous avez en vos capacités. Se sentir complètement démuni est associé à plus de limitations au quotidien. La dépression fait plutôt pencher la balance dans cette direction, avec par exemple des pensées dévalorisantes ou réductrices qui provoquent systématiquement une diminution de l’estime de soi.
Les événements stressants vont favoriser le développement de douleurs dorsales en particulier. L’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, , l’isolement social, le rejet ou encore le manque de sens dans son activité.
Quid du stress émotionnel ?
Nos organes sont tous liés à une partie osseuse et pour le plus grand nombre à la colonne vertébrale.
C’est ce que l’on peut appeler les insertions musculo-squelettiques.
D’autre part un certain nerf, le nerf vague, relie directement trois zones nommées également les trois cerveaux : notre système nerveux, nos intestins et notre cœur.
Le lien entre émotion et douleurs dorsales devient plus évident.
Un exemple pour entrer dans le détail ?
Vous entendez par hasard dans votre open-space deux de vos collègues qui discutent de l’annonce de la fermeture possible de votre bureau.
Vous n’avez pas de preuves de quoi que ce soit… Pourtant votre système pourrait réagir de la manière suivante:
Vous sentez une forte émotion entre la colère (de l’apprendre par hasard) et la tristesse (d’imaginer votre situation en cas de licenciement économique).
Cet état est suivi de douleurs intestinales (boule au ventre le matin), puis de la tachycardie la nuit lors d’un réveil brutal (cauchemar) et donc une fatigue inhérente à un sommeil non réparateur.
Puis évidemment de nombreux doutes sur l’avenir, l’incertitude, la perte de sens de continuer à travailler alors que l’avenir parait sombre, le manque d’envie de se lever chaque matin pour une journée qui serait potentiellement la dernière…
Et oui, les tensions psychologiques vont se transformer en tensions corporelles, musculaires et nerveuses.
Les muscles situés autour de la nuque vont se crisper, les épaules monter autant que les maux de tête. Ces douleurs vont s’accentuer jour après jour et vont aboutir à notre fameux lumbago un matin sans aucune raison apparente.
Le corps aura parlé… et aura eu le dernier mot …
Ca y est ? Vous y croyez ? Mais quelles solutions alors?
Conclusion
Je le dis à chacun de mes articles, rien n’est inévitable et tout est réversible!
Nous avons tous la résilience et les moyens de recouvrer notre santé naturellement.
OUF!
Voila quelques pistes que j’affectionne particulièrement par leur efficacité puisque je les ai testées, certes à titre personnel, mais surtout lors d’accompagnement personnel avec des coachés présentant des troubles liés au burnout.
L’activité physique non ! Le sport oui !
Il possède une place de choix dans la prévention et le traitement à la fois du mal de dos et de la santé mentale. Pourtant, bon nombre de personnes sont contraintes d’arrêter leurs activités physiques préférées à cause des douleurs lombaire. Être anxieux ou ressentir du stress aura tendance à favoriser l’évitement de ces activités. Quant à elle, la dépression peut être marquée par une perte d’intérêt et de plaisir dans les activités et par une fatigue importante. Or la stimulation physique intense, au delà de votre zone de confort (d’ou sport et non activité physique), va permettre à l’ensemble de votre organisme de se rééquilibrer notamment au niveau hormonal mais également au niveau musculaire et en termes de souplesse articulaire. Quant à votre système émotionnel, il pourra également s’apaiser afin de vous rendre pleinement serein !
Et la méditation ?
Plusieurs études ont ainsi montré que la réduction du stress fondée sur la méditation avait une efficacité sur la douleur à court et long terme. Raison pour laquelle cette pratique est recommandée officiellement dans le traitement de la lombalgie aux États-Unis et au Canada.
Respirez !
Faire des pauses au travail et dans la vie courante en général afin de faire des exercices de respiration vous permettra de diminuer vos tensions émotionnelles et physiques. Vous pourrez également ajuster votre tension artérielle et votre pouls, réduire vos irritations, penser positivement et tout simplement vous ancrer dans le présent !
L’équilibre vie professionnelle / vie personnelle !
Il est très facile d’éliminer de sa « to do list » tous les moments agréables et personnels surtout lorsque nous sommes fatigués, contrariés, de mauvaise humeur… Cependant, il est impératif pour notre équilibre de s’octroyer des moments de détente : écouter de la musique, jardiner,cuisiner, se balader, faire des séances de massage, voir des amis… Sans ces « bulles d’oxygène » une « boucle rétroactive émotionnelle » peut se créer vous rendant complètement dépendant d’un « cercle vicieux » dans lequel tous les choix que vous faites inconsciemment ont pour résultat de diminuer encore plus votre énergie et vos envies et d’augmenter vos douleurs corporelles.
Voici quelques pistes de réflexion qui vous permettront je l’espère de modifier votre angle de vue et de trouver vos propres solutions afin de diminuer vos douleurs lombaires et votre stress.
Chassez vos croyances et éprouvez en pleine conscience et de manière précise les clés qui vous font écho afin de vous forger votre propre avis … Il n’y a qu’en testant que vous aurez votre réponse…
Alors bon tests !
Jean-François PAOLI, Formateur Santé Sport Stress, http://paoli-academy.com/articles
11 mars 2022, www.Paoli-Academy.com
Bibliographie
Sylvie Riou-Milliot, spécialiste santé au magazine Sciences et Avenir
Elyane Vignau, journaliste de formation, diplômée de l’IEP de Bordeaux et de l’Ecole de Journalisme de Marseille
« Lombalgies en milieu professionnel : quels facteurs de risque et quelle prévention ? », Les Editions Inserm, 2000
Lombalgie, facteurs de risque, 2018, Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)
Prognostic psychosocial factors for disabling low back pain in Japanese hospital workers, Takahiko Yoshimoto & al., PLoS One, 2017
Le cerveau social, nouvel objet d’étude, Jean Decety, Mensuel N° 198 – Novembre 2008
Éric Bouthier, Kinésithérapeute spécialisé dans la prise en charge des douleurs persistantes à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière
Etude Opinionway pour Vexim: » LES FRANÇAIS EN ONT PLEIN LE DOS »